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Interview avec Pr Karim Touijer : « Le cancer de la prostate augmente annuellement de 3% »


Rédigé par Safaa KSAANI Mercredi 8 Février 2023

Avec une population qui vieillit, les soins personnalisés contre le cancer sont plus que jamais inscrits dans les priorités sanitaires. Le Professeur en urologie Karim Touijer, élu meilleur médecin de New York en 2018, nous éclaire sur le cancer le plus répandu chez les hommes : le cancer de la prostate.



- Les maladies des voies urinaires sont plus fréquentes chez les hommes. Affirmez-vous cette idée ? Qu'en disent les statistiques ?

- C’est difficile de répondre à cette question de manière générale. Les femmes ont plus de problèmes d’infections urinaires et de dysfonction mictionnelle. Les hommes, par contre, développent des problèmes d’hyperplasie de la prostate avec plutôt des troubles d’obstruction. Aux USA, le cancer de la prostate affecte 1 homme sur 8. C’est un cancer à forte incidence et représente la 2 ème cause de mortalité de cancer après le cancer broncho-pulmonaire. Une analyse épidémiologique récente sortie en 2023 montre que le cancer de la prostate augmente annuellement de 3% entre 2014 à 2019, et manifestement une augmentation de 4% à 5% par an des cas avancés. Aujourd’hui, le cancer de la prostate est une maladie silencieuse qui ne se manifeste pas symptomatiquement. Les symptômes sont plutôt une présentation tardive de la maladie, et sont des signes d’un stade avancé ou métastatique (Hématurie, hematospermie, douleurs osseuses, fractures pathologiques…).

- À quel âge commence-t-on à dépister le cancer de la prostate ?

- Le dépistage du cancer de la prostate se base en grande partie sur la mesure du taux de PSA dans le sang. Le PSA ou Prostate Specific Antigen est un biomarqueur obtenu par ponction sanguine. Un biomarqueur dont l’élévation alerte le patient et son médecin et suggère de démarrer une investigation diagnostique pour éliminer la possibilité d’un cancer de la prostate. En matière de sante publique, les essais cliniques conduits à large échelle démontrent que, sur le long terme, un dépistage systématique peut réduire la mortalité du cancer de la prostate par environ 30%. Toutefois, une politique de dépistage peut conduire à ce qu’on appelle un « overdiagnosis », c’est-à-dire un diagnostic de cancers de prostate indolents, ce qui, par conséquent, pourrait conduire à un traitement excessif ou pas nécessaire. Il faudra clarifier que le cancer de la prostate se présente dans des formes pronostiques très variées. Une bonne partie du cancer de la prostate est une maladie à risque faible et qui ne nécessite pas forcément un traitement radical, mais plutôt une surveillance active. A l’autre extrême, il y a le cancer de la prostate létal qui nécessite une approche thérapeutique pluridisciplinaire.

- Où en est la science concernant la guérison ? Peut-on vraiment en guérir ?

- Pour l’instant, l’arme décisive contre le cancer est un trident. Premièrement, la mesure préventive à travers une politique de vaccination à large échelle contre les virus oncogènes comme le « human papillomavirus » ( cancer du col utérin ou cancer de la gorge) ou le virus de l’hépatite (cancer du foie). Deuxièmement, l’action hygiéno-diététique par le biais de la réduction ou presque l’élimination du tabagisme (cancers bronchopulmonaires et de la voie urinaire…). Et finalement le diagnostic précoce à travers des campagnes de dépistage pour les cancers de la prostate, du sein et du colon. Pour ce qui est du cancer de la prostate, le dépistage se basant sur un examen clinique et une mesure du taux de PSA, sont recommandés annuellement à partir de 50 ans et à partir de 40 ans pour les gens à haut risque (présence d’antécédents familiaux de cancer de prostate ou de mutation génétique type BRCA1 et BRCA2 …etc.).

- Selon vous, est-ce que les chirurgiens sont ouverts à d’autres types de traitement ? Après tout, la chirurgie est le domaine qu’ils connaissent le mieux, c’est peut-être pour cela qu’ils la conseillent en premier…

- Il y a plusieurs méthodes de traitement du cancer de la prostate. Que ce soit la chirurgie, la radiothérapie, l’hormonothérapie ou le traitement ablatif focal, les résultats pour certains stades de la maladie sont comparables. Tant que l’approche est centrée sur le patient, ce dernier peut être guidé vers un consentement éclairé et une décision de choix thérapeutique adéquate. Plusieurs facteurs doivent être tenus en compte avant de formuler une stratégie thérapeutique. Parmi ces facteurs, on trouve principalement les résultats oncologiques et l’impact du traitement sur la qualité de vie du patient. Pour cela, l’équipe médicale traitante doit mettre le patient au centre du processus décisionnel.

- A l'approche du Ramadan, quelles consignes donnez-vous ?

- La discussion du jeûne doit être maintenue entre le patient / la patiente et son médecin traitant. Personnellement, je trouve que la religion est amplement flexible sur ces sujets.

- Quand est-ce qu’une femme doit-elle consulter un urologue ?

- La gent féminine représente à peu près 30% de la consultation en urologie. Les infections urinaires, les prolapsus génitaux et les troubles mictionnels type incontinence urinaire, vessie hyperactive sont les principaux motifs de consultation. Les visites de consultations de dépistage oncologique sont faites plutôt avec le gynécologue (frotti cervico-vaginal pour le cancer du col utérin, mammographie pour le cancer du sein) et éventuellement après un certain âge, les coloscopies de dépistage avec les gastroentérologues.

- Par ailleurs, au niveau de la spécialité, dispose-t-on des compétences suffisantes au Maroc ? Quel état des lieux dressez-vous ?

- J’ai le plaisir de travailler directement avec l’Association Marocaine d’Urologie, l’Association Marocaine d’UroOncologie et l’Association Chiffae, et des sociétés savantes de haut niveau dans notre domaine. Les urologues, oncologues médicaux et radiooncologues marocains ont un niveau comparable à celui de leurs collègues européens ou américains. Les jeunes médecins marocains sont impressionnants et avec une plus ample ouverture sur la littérature scientifique anglophone, on verra une participation académique plus performante.

Portrait

L’urologue marocain renommé à New York…


Pr Karim Touijer est particulièrement réputé à New York et au-delà en tant que spécialiste du traitement des cancers génito-urinaires, notamment des cancers du rein, de la prostate, de la vessie et des glandes surrénales.

Connu pour son utilisation des techniques chirurgicales les plus récentes, Karim Toujier est un urologue expérimenté qui pratique depuis plus de 31 ans et est certifié par l’Autorité Américaine d’Urologie (American Board of Urology).

Le médecin marocain avait entamé sa carrière en 1992 après ses études à la Faculté de médecine de Casablanca. Après son installation aux Etats-Unis, Dr Touijer a parfait sa formation à l’Ecole de médecine de l’Université du Kansas puis celle de l’Arkansas à Little Rock, avant d’obtenir une bourse pour rejoindre le service d’oncologie urologique au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York. Il a également obtenu un Master en santé publique de l’Université de Harvard.

En 2018, l’urologue marocain a été désigné meilleur médecin exerçant au Centre de cancérologie Memorial Sloan Kettering à New York, une distinction honorant les professionnels de la Santé qui ont fait preuve d’excellence tout en respectant les normes les plus élevées en matière de soins aux patients.

Outre le Prix de meilleur médecin 2018 de New York, Dr Touijer s’est vu attribuer le titre prestigieux de membre du Collège Américain des Chirurgiens (American College of Surgeons). Actuellement, il exerce sa profession à l’École de médecine Weill Cornell à New York.








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